Pour atteindre au plus vite un retour sur investissement, avoir l’adhésion des équipes et une bonne disponibilité des données sont des prérequis indispensables.

Point de départ de tout projet de maintenance prédictive : le ROI. Ce critère du retour sur investissement est « essentiel pour les industriels », explique Pierre Savary, responsable commercial chez le fabricant français de capteurs IoT nke Watteco, qui a racheté à son homologue Eolane la business-unit dédiée au capteur de maintenance prédictive Bob assistant. Car le coût d’un projet peut freiner certains dirigeants, en représentant un budget moyen « de 15 à 30 euros par capteur et par mois pour l’analyse vibratoire d’une pompe », par exemple en intégrant l’amortissement du capteur, le cout de la connectivité et l’accès à une solution applicative. Selon une étude OnePoll réalisée en février 2021 pour le fabricant allemand Reichelt Elektronik, 29% des entreprises françaises sondées hésitent à adopter la maintenance prédictive en raison de contraintes budgétaires. « Le coût est néanmoins très variable, il dépend du métier, de son avancée technologique et de sa capacité à intégrer les outils », poursuit Pierre Savary.

Pourtant, si le ROI est la première préoccupation des industriels, le calculer avant la mise en place d’une solution IoT se révèle impossible. « Il ne suffit pas de se baser sur le coût du service annuel et de faire un POC pour voir si la technologie fonctionne », prévient Pierre Savary, pour qui la valeur d’un projet de maintenance prédictive ne peut s’estimer qu’en effectuant un pilote d’envergure pour évaluer comment les process peuvent être changés.

Pour réussir et rentabiliser son projet, le premier conseil de David Dorval, PDG et fondateur de Stimio, société nantaise spécialisée dans la fourniture de solutions connectées pour l’industrie, est de trouver un usage pertinent, c’est à dire pour lequel adopter la maintenance prédictive a un réel impact. « Dans le ferroviaire, cela peut être un équipement destiné au grand public, par exemple les portes d’un train pour éviter qu’elles ne se bloquent », précise le PDG, qui va monitorer d’ici 2025 plus de 20 000 capteurs pour la SNCF. Un avis partagé par Fabien Treillaud, directeur commercial chez l’entreprise d’origine britannique de maintenance prédictive Senseye, qui monitore plus de 20 000 équipements dans le monde.

« La maintenance prédictive ne convient pas à tous les équipements, il faut qu’il y ait des conséquences importantes d’une panne sur la production. Ainsi, la maintenance prédictive est particulièrement adaptée pour la métallurgie, l’automobile ou encore la gestion de biens comme les ascenseurs. »

Deuxième étape : identifier les bonnes données. Il est nécessaire de disposer des informations pertinentes au bon moment. « Le coût de la captation des données peut casser certains ROI, il faut que les directeurs de maintenance sachent exactement quelles pièces tombent les plus souvent en panne », met en garde Stéphane Roder, PDG et fondateur de la société de conseil en stratégie data AI Builders. Cela implique pour l’équipe de maintenance prédictive de « travailler avec le CDO de l’entreprise pour rassembler les data de manière transverse et anticiper », conseille de son côté Sébastien Wallet, directeur du département IoT chez Artefact, agence-conseil spécialisée en data et intelligence artificielle. L’un des prérequis est ainsi une bonne adhésion des équipes.

De nombreux KPI à suivre

Lors du déploiement, Pierre Savary, de nke Watteco, rappelle que si équiper une seule machine critique peut se révéler efficace, les économies d’échelle ne sont pas à négliger. « Plus de capteurs sont déployés, plus l’investissement est amorti car mettre en place une infrastructure réseau pour trois capteurs est plus compliqué à rentabiliser que pour des milliers. » C’est la raison pour laquelle Senseye recommande de démarrer avec 50 à 100 équipements minimum.

Le projet lancé, une multitude de facteurs entrent en jeu. Le premier concerne les arrêts des machines, en comparant le taux de panne évité par la maintenance prédictive. « Dans le ferroviaire, éviter des incidents induits des économies de centaines de milliers voire de millions d’euros. Par exemple, 5% des locomotives d’un parc en moyenne auront un incident sur un caténaire par an, revenant pour chacun à près de 100 000 euros. Anticiper ces incidents est donc un enjeu important », raconte David Dorval, de Stimio. Mais il n’est pas le seul. « Il faut aussi prendre en compte les gains de temps en déplacement si les machines sont situées dans des zones difficile d’accès, tout comme le gain de temps concernant la commande de pièces, l’évolution des contrats de maintenance, la prolongation de la durée de vie des machines, etc. », souligne Pierre Savary. Bosch, qui a connecté 120 000 contrôleurs de machines et 250 000 dispositifs dans ses usines, a réduit ses coûts de maintenance de 25%.

Dans le ferroviaire, le ROI est atteint entre 12 et 36 mois, indique David Dorval. Dans l’industrie 4.0, notamment pour la surveillance de pompes, le ROI est inférieur à un an. « Dans de nombreux cas, il peut être atteint en trois mois », assure Fabien Treillaud, de Senseye, en citant l’exemple du constructeur automobile Nissan. Plus de 9 000 équipements connectés de 30 types de machines différents (des convoyeurs, des élévateurs, des pompes, des moteurs et des presses, ndrl) sont surveillés à distance par Senseye, ce qui a permis de réduire les temps d’arrêt de production jusqu’à 50% et économiser ainsi plusieurs millions de dollars en temps d’arrêt imprévus.

Pour encourager les industriels à vérifier les bénéfices de la maintenance prédictive, Senseye a lancé en décembre 2020 une offre en partenariat avec l’assureur Scor, ROI Lock, afin de garantir un remboursement du coût d’abonnement si les économies réalisées en évitant les arrêts machines imprévus sont inférieurs au coût dudit abonnement dans un délai d’un an. De son côté, nke Watteco renforce ses partenariats avec des intégrateurs pour s’adresser aux PME, qui ont encore peu déployé des solutions de maintenance prédictive et constitue le gros du marché, selon Pierre Savary. Stimio rappelle que la maintenance du matériel roulant représente à elle seule un marché de 7 milliards d’euros par an en Europe.

Source : ©Le Journal du Net 14 avril 2021

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